Comment différencier le son d’un iceberg, d’une baleine ou d’un navire ennemi à 600 mètres sous l’eau ? Grâce, notamment, aux « oreilles d’or », nom donné aux sous-mariniers dont l’ouïe très fine est spécifiquement entraînée pour identifier tous les bruits de l’océan.
Dans les profondeurs de l’océan, aucune lumière mais un festival de son !
L’eau est un milieu presque mille fois plus dense que l’air où les sons se propagent cinq fois plus vite et parcours une plus grande distance. Le sonar d’un sous-marin capte tous ces sons mais sans les différencier précisément. Reconnaître ces sons est la mission des « oreilles d’or », spécialistes de l’analyse acoustique, engagés au sein de la Marine nationale à bord d’un sous-Marin nucléaire. Ces hommes et ces femmes sont capables de distinguer le son d’une hélice de cargo de celle d’un vaisseau de guerre ou détecter la présence d’un navire à une centaine de kilomètres !
Les oreilles d’or ne travaillent pas seuls mais en étroite collaboration avec les opérateurs du sonar qui balaye à 180° le champ aquatique autour du sous-marin. Le sonar détecte et enregistre tous les bruits pour que les opérations puissent établir la route du sous-marin, sa vitesse et la distance qui sépare de sa destination. En cas de doute sur un bruit détecté, ils font appel aux spécialistes acoustiques. L’état-major prendra alors sa décision sur la suite de la mission en fonction de l’analyse rendue par les « oreilles d’or ».
Le chant du loup
En février 2019, le réalisateur Antonin Baudry a mis en lumière cette fonction si particulière de spécialiste acoustique à travers son film Le chant du loup dont le personnage principal est un « Oreille d’or ». Une fonction réaliste en terme de décors mais aussi dans la justesse des missions de ces spécialistes acoustiques. C’est le commandant du sous-marin nucléaire français Le Triomphant qui a conseillé l’équipe de tournage. Le film fut salué par la critique et par les sous-mariniers eux-mêmes, pourtant discrets habituellement. Si la Marine nationale, s’est abstenue de tout commentaire à la sortie du film, les Français ont découvert une fonction tenue encore au secret, d’autant plus que les spécialistes acoustiques sont peu nombreux en France, une cinquantaine environ.
Chaque bateau à sa signature acoustique
Les « oreilles d’or » sont formées au centre d’interprétation et de reconnaissance acoustique (CIRA), à Toulon. Si le premier critère de recrutement est – évidemment – une ouïe hors du commun, celle-ci ne suffit pas. Les aspirants reçoivent une formation très pointue pour entraîner à la fois leur oreille, leur mémoire auditive, leur sens musical et leur capacité à gérer le stress. La formation dure plusieurs années afin de transformer une ouïe fine en une experte en matière de classification. A tel point que ces spécialistes parlent de signature acoustique pour chaque type de bateau.
Pollution sonore
Contrairement à l’adage de Cousteau, les océans sont loin d’être un « monde de silence » : les icebergs qui craquent, les volcans sous-marins qui explosent, le chant des cétacés ou les crustacés qui se battent. Face à ces sonorités disparates mais naturelles, l’activité humaine crée de plus en plus de pollution sonore comme la prospection pétrolière offshore qui emploie des canons à air comprimés afin de sonder la plancher océanique ou l’installation des éoliennes marines lors du forage et de la mise en place des pieux.