Les chants polyphoniques autour du monde

Tahiti, La Réunion, Portugal, Géorgie ou Corse, les chants polyphoniques résonnent tout autour du monde. Les voix s’entremêlent, se détachent et se rejoignent. Tour d’horizon des polyphonies insulaires et européennes. 

Le chant polyphonique, c’est quoi ?

La polyphonie, c’est plusieurs lignes mélodiques superposées en même temps, deux lignes mélodiques suffisent. Un chant polyphonique, c’est une voix principale et une autre qui tient une note à la même hauteur (bourdon), ça peut également être une voix principale et une voix parallèle qui chantent la même mélodie en même temps mais à une hauteur différente ou encore une voix principale et un contre chant. C’est une voix qui entonne une autre mélodie et/ou d’autres paroles en même temps que la principale. Plusieurs voix qui chantent, à l’unisson, la même mélodie, ne forment pas une polyphonie. C’est une monodie, c’est-à-dire une seule mélodie.

Les Tarava : le chant traditionnel polynésien

Imaginez. Soixante à quatre-vingts personnes qui interprètent un chant polyphonique qui loue la beauté et les bienfaits de la nature. Une unité vocale dont se dégage une énergie puissante. Ce sont les Tarava, les chants polyphoniques de la Polynésie française. Chaque archipel se distingue par son propre chant. Dans les Tarava Tahiti, les voix des meneuses sont à la fois puissantes et mélodieuses. Les Tarava Raromatai, des îles Sous-le-Vent comme Bora Bora, se démarquent par leurs lignes mélodiques d’une grande richesse. Quant aux Tarava Tuhaa pa’e, originaires des îles Australes, leur tempo est plus lent. 

Les chants polyphoniques réunionnais et kanak

« Les chants créoles comme la musique créole, ne sont pas figés. Ils découlent d’une tradition orale. Les gens se les approprient et les font évoluer. C’est peut-être pour cela qu’ils sont aussi riches et foisonnants », constate Caroline Daparo. Elle est chef de chœur installée à La Réunion et passionnée de voix du monde. En octobre dernier, elle a animé un stage de chants créoles à Lons-le-Saunier dans le cadre du festival « Le fruit des voix ». Elle rappelle que les chants polyphoniques créoles sont nés du marronnage, fuite des esclaves qui ont ensuite créé leurs propres communautés au XVIIe siècle. « Pendant les stages de chants créoles, je pars de ces chants traditionnels auxquels j’ajoute des arrangements, des harmonies, des pas de danse aussi », raconte Caroline Daparo.


En Nouvelle-Calédonie, le Département des musiques traditionnelles et des chants polyphoniques océaniens fédèrent tous les groupes polyphoniques. Le groupe kanak Vocal, qui fut en tournée dans l’Hexagone en 2016, vit le chant polyphonique comme un « contenu culturel », un kaléidoscope des « Mondes » calédoniens. À travers leurs chants, les chanteurs souhaitent partager un peu de la richesse culturelle de la Nouvelle-Calédonie. 

Le chant polyphonique corse

Sur le pourtour méditerranéen, le chant est plutôt monodique. La Sardaigne et la Corse font figures d’exception, car les chants polyphoniques font partie du quotidien. Jusqu’au début du XXe siècle, les confréries laïques vont développer une forme de polyphonie sacrée, spécifiquement corse.

Parallèlement, une pratique du chant polyphonique purement profane se développe. La polyphonie corse joue un rôle social, de la naissance à la mort, en rythmant la vie des hommes. « Elle est née de la volonté des chanteurs de s’unir et de se fondre dans un chant commun tout en respectant l’identité de chacun », observe l’association A Rinascita di u vechju Corti, sur son site (Corti d’Eri) . « La musique corse est avant tout une affaire de voix, de chants profonds, sans âge, transmis de mère en fille et de père en fils », constate-t-elle.

Chants corses d’amour, de travail ou de deuil 

Les polyphonies corses sont caractérisées par un chant à trois voix : le bassu, la seconda et la terza. La « seconda » porte toujours le chant alors que « le bassu », plus grave, vient la soutenir. Enfin, « la terza », voix la plus haute, ajoute ce qu’on appelle les ornements.

Ces voix sont associées à trois types de chants polyphoniques corses :

  • Les Paghjelle.  Chants d’amour vantant les attraits d’une jeune fille. Chants parfois teintés de douleur, quand l’amour est inatteignable. 
  • La Tribbiera. Chant du travail dont le rythme s’inspire du pas des bœufs ou de celui des hommes dans les tâches agricoles manuelles.
  • Les Lamenti. Chants de désespoir lors de deuil qui accompagnent le départ du défunt et soudent la communauté des vivants dans une célébration partagée.

Ailleurs en Europe : les chants géorgiens et portugais

La pratique du chant à plusieurs voix s'est fortement développée dans le Caucase. Cette région européenne serait à l’origine de l'organum médiéval. C’est la forme la plus primitive de la polyphonie dont les premières traces écrites remontent au IXe siècle. Les chants polyphoniques géorgiens accompagnent chaque moment de la vie : chants de travail, de guerre, de guérison, de Noël et chants liturgiques. Les chants polyphoniques géorgiens ont été classés par l'UNESCO comme Patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

Autre chant polyphonique à faire partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité : le cante alentejano. Ce chant polyphonique est typique du sud du Portugal. Les chorales formées de chanteurs amateurs, comptent jusqu’à trente chanteurs. Là aussi, les paroles témoignent de la vie quotidienne : la nature, l’amour, la maternité et la religion. Le cante alentejano imprègne toujours les rassemblements publics comme privés. La transmission est, là aussi, orale. Elle se fait principalement lors des répétitions des chorales. 

Des chorales où la voix ne fait pas tout. Il est essentiel de savoir s’écouter les uns les autres mais aussi de ressentir les mélodies. « J’aime dire, pendant les stages que j’anime, que le corps entier chante, souligne Caroline Daparo. Chanter, c’est respirer. Et plus que tout, chanter, c’est se faire plaisir. » 
 

Trouver un centre

Tous nos centres sont prêts à vous accueillir pour un rendez-vous audition

Test auditif Test auditif